Marcelle Alix Marcelle Alix
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dormir au soleil

Lola Gonzàlez

06.09.2025 - 11.10.2025, vernissage 05.09.2025


en français plus bas


“The landscape changes like a face growing older, imperceptibly and with no way back – it is a world in decline.
Where are all those things now? All that vanished water, those molecules of dead birds, of insects gone? What do they become? […] How does a world that can never change its weight transform so drastically, and what does it do with disappearances? Are the slain bodies of animals replaced by ever more human bodies, and machines, and garbage? Is this how the balance holds, in fact?”
Phoebe Hadjimarcos Clarke, Aliène.


IA: Like Fauvel, the main character in Phoebe Hadjimarcos-Clarke’s book, Lola Gonzàlez’s friends have left the city to distance themselves from violence. They try to rebuild their community in the quiet of an environment that seems, at first sight, idyllic. The last time we encountered them was in Huit [Eight] (2020), a film in which they argued and joked in an invented language, while the artist subtitled their words to make them appear on the verge of staging a radical political action. Almost like an adaptation of Albert Camus’s The Just Assassins (1949), transposed to Emmanuel Macron’s France.
Here we find them again, protagonists of a lush countryside dotted with houses in various stages of renovation. An unknown affliction weighs on them, its effects recalling the blue-stained lips of Lola’s first film we showed, Winter is Coming (2014). "Dormir au soleil [Asleep in the Sun]", like Lola’s previous exhibitions at the gallery, consists of images in which the artist’s family and friends, and the places they inhabit, become vessels for our own desires and anxieties. The move to the countryside, the simple life it seems to promise, does not ward off the misfortunes of the world – which literally course through the bodies of this group, now joined by children.


CB: "Asleep in the Sun". Behind this title, which evokes pleasant sensations, Lola – like the writer Adolfo Bioy Casares – hides something incomprehensible and troubling. Since I could no longer clearly recall the book and was still digesting the images of Lola’s latest film, I asked myself whether I had ever truly managed to sleep in the sun. Is it really so simple to practice such an abandonment of oneself outside the house, in an open-air room, under the direct grip of sun and earth? To tell the truth, I don’t think I ever succeeded – or if I did, it didn’t last long enough to leave that indelible impression of having stepped outside reality, of having distorted it until nothing could be understood anymore. I remember lying down in a vast field behind a barn. It was summer, I must have been about ten years old. I was alone, and I don’t know why I insisted on lying there in the middle of a field full of grasshoppers. I watched the clouds for a long time, then felt my body growing lighter. I closed my eyes to enjoy that warm, living color beneath my eyelids. Just when I thought I was about to fall asleep, panic seized me. I thought: I am alone. And suddenly, the holiday house became unreachable, a façade emptied of objects and people. I was alone with the crushing sun and the restless insects now crawling over me. The landscape had welcomed me, but this solitude – or was it a form of communion? – overwhelmed me. I felt that child’s fear of being swallowed whole, as if by magic. Later, I thought of Ana Mendieta’s porous body. Could I become plant, bird, insect, cloud? What of the bodies of Lola’s loved ones? By embracing the earth as they do, can they grasp the meaning of their alliance, which looks so much like a pact? Are they ready to fall to the ground, like the swifts that the whole village rescues one by one as their nests disintegrate in the harsh drought? And what if the most vital task we could aspire to today were to fall and rise again together – but only after letting ourselves be pierced by what feels like a mutation of soul and body, in the midst of a world that shakes everything we once longed to project onto it, or impose upon it.


Lola Gonzàlez was born in 1988 and lives in Lisle, in Dordogne, France. A graduate of the École des Beaux-Arts de Lyon in 2012,
she has since presented her video and performance work in group exhibitions and festivals at institutions such as Ikon Gallery, Labanque Béthune, CRAC Alsace, FRAC MECA (2024), CAPC (2023), CAN Neuchâtel (2022), IAC Villeurbanne, MAC/VAL (2020), Fondation Ricard (2017, 2022), Palais de Tokyo (2016, 2020), and Centre Pompidou (2014). Her work has also been the subject of several solo exhibitions, including "Efxaristo poli" at Frac Poitou-Charentes (2024), "Si tu disais" at Marcelle Alix (2020), "Abel and Elio" at Temple Bar Gallery + Studios in Ireland (2018), "The Green Light" at Basis Frankfurt in Germany (2017) and "Rappelle-toi de la couleur des fraises" at CREDAC – Centre d’art contemporain d’Ivry (2017). She was a resident at Villa Medici, French Academy in Rome, in 2018–2019.


"Le paysage qui change comme un visage qui vieillit, imperceptiblement et sans retour possible – c’est un monde qui s’appauvrit.
Où elles sont toutes ces choses ? Toute cette eau évanouie, ces molécules d’oiseaux morts, d’insectes disparus ? ça devient quoi ? […] Comment le monde qui ne peut jamais changer de poids change-t-il autant et que fait-il des disparitions ? Les corps tués des animaux sont-ils remplacés par encore plus de corps d’humains et de machines et de poubelles ? C’est comme ça que ça marche et que le monde ne perd pas l’équilibre, en fait ?"
Phoebe Hadjimarcos Clarke, Aliène.


IA : Comme Fauvel, le personnage principal du livre de Phoebe Hadjimarcos-Clarke, les ami·es de Lola Gonzàlez sont parti·es de la ville pour éloigner la violence. Iels tentent de reconstituer leur communauté dans la quiétude d’un environnement à première vue idyllique. La dernière fois que nous les avions croisés, c’était dans Huit, un film de 2020 dans lequel iels s’invectivaient et plaisantaient dans une langue inventée, tandis que l’artiste sous-titrait leurs paroles pour qu’iels semblent sur le point de perpétrer une action politique radicale.  Comme une adaptation des Justes d’Albert Camus (1949) dans la France d’Emmanuel Macron. On les retrouve ici protagonistes d’une campagne luxuriante, parsemée de maisons plus ou moins rénovées. Un mal inconnu les accable, ses effets rappellent les lèvres teintées de bleu du premier film de Lola que nous avions montré, Winter is Coming (2014). "Dormir au soleil", comme les précédentes expositions de Lola à la galerie, est constituée d’images dans lesquelles famille et ami·es de l’artiste et leurs lieux de vie sont les véhicules de nos propres désirs et angoisses. L’installation à la campagne, la vie simple qu’elle semble supposer n’éloignent pas les malheurs du monde qui traversent littéralement les corps de cette bande, aujourd’hui augmentée d’enfants.


CB : "Dormir au soleil". Derrière ce titre qui appelle d’agréables sensations, Lola comme l’écrivain Adolfo Bioy Casares cachent quelque chose d’incompréhensible et d’inquiétant. Comme je ne me souvenais plus très clairement du livre et que les images du dernier film de Lola étaient encore à digérées, je me suis demandée si j’avais été capable au moins une fois dans ma vie de dormir au soleil. Est-ce si simple de mettre en pratique un tel abandon de soi hors de la maison, dans une chambre à ciel ouvert, sous l’emprise directe du soleil et de la terre ? A dire vrai, je ne crois pas avoir réussi ou alors cela n’a pas duré suffisamment pour que reste gravée cette impression d’avoir quitté la réalité, de l’avoir déformée jusqu’à ne plus rien y comprendre. Je me souviens m’être allongée dans un très grand champ derrière une grange. C’était l’été, j’étais une enfant de dix ans peut-être. J’étais seule et je ne sais pas pourquoi je tenais à m’allonger au milieu de ce champ où vivaient tant de sauterelles. J’ai longtemps regardé les nuages puis j’ai senti que mon corps devenait léger. J’ai fermé les yeux pour profiter de cette couleur chaude et vivante sous mes paupières. Au moment où je pensais que j’allais très certainement m’endormir, j’ai été prise de panique. J’ai pensé, je suis seule. Alors, la maison de vacances était devenue inatteignable, une façade sans objets ni personne au dedans. J’étais seule avec ce soleil écrasant et ses insectes agités qui maintenant me marchaient dessus. Le paysage m’avait accueilli, mais cette solitude ou communion réparatrice me submergeait. J’ai eu cette peur d’enfant d’être engloutie tout entière comme par magie. Plus tard, je pensais au corps poreux d’Ana Mendieta. Pouvais-je devenir plante, oiseau, insecte, nuage ? Que font les corps des proches de Lola ? Parviennent-ils en embrassant la terre comme iels le font à comprendre la raison de leur alliance qui ressemble fort à un pacte ? Sont-ils prêts et prêtes à tomber au sol comme les martinets que tout le village recueille un a un tant les nids si secs se délitent par ces trop fortes chaleurs ? Et si le plus important des boulots auquel on puisse aspirer aujourd’hui était celui de tomber et de se relever ensemble, mais seulement après avoir senti nous traverser ce qui ressemble à une mutation d’âme et de corps, à la faveur d’un monde qui bouscule tout ce que nous avions soif de projeter sur lui ou de lui imposer.


Lola Gonzàlez est née en 1988, elle vit à Lisle, en Dordogne.
Diplômée de l'Ecole des Beaux-Arts de Lyon en 2012, elle a depuis
montré son travail vidéo et de performance dans des expositions
collectives et des festivals à l'Ikon Gallery, Labanque Béthune, le
CRAC Alsace, le FRAC MECA (2024), le CAPC (2023), le CAN
Neuchâtel (2022), l'IAC de Villeurbanne, le MAC/VAL (2020), la
Fondation Ricard (2017, 2022), le Palais de Tokyo (2016, 2020) ou
encore le Centre Pompidou (2014).
Son travail a également fait l’objet d’expositions personnelles dont
récemment "Efxaristo poli" au Frac Poitou-Charentes (2024), "Si tu
disais" à Marcelle Alix (2020), "Abel and Elio" à Temple Bar Gallery +
Studios (IE) (2018), "The Green Light" à Basis Francfort (DE) (2017) ou "Rappelle-toi de la couleur des fraises" au CREDAC-centre d'art
contemporain d'Ivry (2017). Elle était pensionnaire de la Villa Médicis
à Rome en 2018/2019.