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Les poulains deviennent des chevaux

Jean-Charles de Quillacq

11.01.2024 - 09.03.2024, vernissage 11.01.2024


en français plus bas

[Foals Grow Horses]

"I was a piece of factory for eternity."


Georges Navel, Travaux, Gallimard, 1995, p.108


How can one rediscover desire when its very mechanics are monopolized by capitalism? Where can our desire still intrude in the plethora of poetic, pornographic, intellectual, psychological, promotional, and political offerings? In the field of ruins of the imaginary, increasingly littered with Instagram images of war victims, portraits of friends who left this world too soon, calls for help from NGOs, and--in their wake--, images of ever more exhibitions we couldn't see, parties that always look better from afar, clothes that would finally suit our morphology, or the latest accessories needed to help us sleep. Perhaps, in this landscape, art and its unique language remain. A language that is not that of the consumable or even the photographable. To experience art is to feel, in a confused way, that it speaks to us without having to master its language, or even understanding it perfectly. We continue to claim that it remains a gateway to emancipation.
 
Jean-Charles de Quillacq explores the crossroads between libido and the work of art, making visible connections between sexuality and sculpture. His obsessions grow and follow the pace of his personal exhibitions: posters of the film La gueule ouverte [The Mouth Agape] treated with acetone to attach the artist's name to the adjective evoking hospitality (Quillacq ouverte, 2010), were the starting point for his first solo exhibition at the gallery in 2016. Here, we find a new series, in which the artist's name has given way to a simple discoloration of the paper, embellished with drawings (Ouverte (Pialat sous Price)) or collages of a head of Jean de Dieu. The constant recycling of images is at the heart of Jean-Charles's reflection on the states of our desire in a time of hopeless productivism, including the artist's desire, embodied by Seth Price, whose drawings he reproduces, fantasizing about an oversized studio production, yield, endurance, and constantly announced and renewed promotion, Jean-Charles De Quillacq Ouverte, invariably.
 
Georges Navel, a long-time factory worker, thinks of himself as a "piece of factory for eternity." His book Travaux [Works] details the daily efforts to establish a positive relationship with the outside world and live fully awake, always conscious. To love reality and the work of the moment as long as one is not separated from what feels good. "The more tired you are, the more you expect the extraordinary." Beyond the body and its fatigue, inner dryness is the real evil. Working with artists, sharing with them this desire to wrest from society its right to existence by reducing the hostility of matter, our sensitivity connected to it, is a common goal that--carried by generous intentions--lifts us from fatigue and moves us towards an attention and a visible delicacy. This movement is contrary to the logic of the exhibition title according to which the world would only become more muscular.
 
Jean-Charles sees well how to feel alive in the humble activity of rubbing magazine pages with acetone and documenting his own sculptures using photocopies to bring them back to him. It is where the measurement of the void begins, a void that must be relayed by the repetitive and mechanical work from which other stimulations, scenarios that the titles of sculptures judged too long have generated, arise. So the artist directs his thoughts and shows the satisfaction of hands in performing certain tasks. Jean-Charles's seemingly routine gestures--and the duplications he engages in--bring him joy and sometimes also a somewhat masochistic pleasure in introducing into his own exhibition the working methods of other artists composing a genealogy in line with his sole desire. Jean-Charles is happy like Navel, who, carried by an imperative logic that he recognizes, feels "his intelligence descending into his hands."


MA


Born in 1979, Jean-Charles de Quillacq studied at ENSBA Lyon and at Weißensee Kunsthochschule Berlin. He lives in Sussac, Limousin and Zürich, Switzerland. His work has been shown in solo exhibitions, including Pros, at Ampersand (Lisbon, 2023)Ma sis t’aime reproductive, à art3 (Valence, 2021), Ma système reproductive at Bétonsalon (Paris, 2019), My Tongue Does This to Me, with Hedwig Houben at La Galerie in Noisy-le-Sec (2018), Getting a Younger Sister, Thinking to Myself at the Swiss Art Awards, where he was one of the winners (Basel, 2017), Je t’embrasse tous and Autofiction both at Marcelle Alix gallery (Paris, 2016 and 2020), and Four Works in a Rectangle, Rote Fabrik (Zurich, 2012). He is currently a resident at Villa Medici in Rome.


Warmest thanks to: Clotilde Beautru, Chloé Poulain, Louise Toth and Josselin Vidalenc.
Jean-Charles de Quillacq would like to thank Martin Laborde, Alice Dusapin and Ampersand, Baptiste Pinteaux, Valentin Merz, Romina Shama and Musée Transitoire.


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« J’étais un morceau d’usine pour l’éternité. »


Georges Navel, Travaux, Gallimard, 1995, p.108



Comment retrouver du désir quand sa mécanique même est accaparée par le capitalisme ? Où notre désir peut-il s’immiscer encore dans la pléthore d’offres poético-, porno-, intello-, psycho- promo-politiques… ? Dans le champ de ruine de l’imaginaire, jonché toujours plus d’images instagram de victimes de guerre, de portraits d’ami·e·s ayant quitté ce monde trop vite, d’appels à l’aide des ONG, et à leur suite, d’images de toujours plus d’expositions qu’on n’aura pas pu voir, de fêtes qui auront toujours l’air meilleures de loin, de vêtements qui siéraient enfin à notre morphologie ou de derniers accessoires nécessaires pour nous aider à trouver le sommeil, il reste peut-être l’art et son langage propre. Qui n’est pas celui du consommable, ou même simplement du photographiable. Faire l’expérience de l’art, c’est-à-dire sentir confusément qu’il nous parle sans qu’on n’ait à maîtriser sa langue, ni même à la comprendre parfaitement, nous continuons à prétendre que cela reste une porte vers l’émancipation.

Jean-Charles de Quillacq développe le point de contact entre libido et travail de l’art, rendant visibles les passerelles entre sexualité et sculpture. Ses obsessions s’affirment au rythme de ses expositions personnelles : les affiches du film La gueule ouverte traitées à l’acétone pour accoler son nom à l’adjectif évoquant l’accueil (Quillacq ouverte, 2010) étaient le point de départ de sa première exposition personnelle à la galerie en 2016. On trouve ici une nouvelle série, dans laquelle le nom de l’artiste a laissé place à une simple décoloration du papier, agrémenté de dessins (Ouverte (Pialat sous Price)) ou de collage d’une tête de Jean de Dieu réalisé la même année. Le recyclage permanent des images est au cœur de la réflexion que porte Jean-Charles sur les états de notre désir en temps de productivisme sans espoir, y compris quand c’est celui de l’artiste, incarné par Seth Price dont il reproduit les dessins, fantasme une production d'atelier démesurée, un rendement, une endurance et une promotion sans cesse annoncée et renouvelée, Jean-Charles De Quillacq Ouverte, invariablement.

Georges Navel, longtemps ouvrier d'usine, se pense aux heures où le travail abîme, comme un « morceau d'usine pour l'éternité ». Son livre Travaux mesure en détail les efforts quotidiens pour établir une relation positive avec le monde extérieur et vivre complètement réveillé, toujours conscient. Aimer la réalité et le travail du moment que l'on n'est pas séparé de ce qui fait du bien. « Plus on est fatigué et plus on attend de l'extraordinaire ». Au delà du corps et de sa fatigue, la sécheresse intérieure est le vrai mal. Travailler avec les artistes, partager avec elleux ce désir d'arracher à la société son droit à l'existence en réduisant l'hostilité de la matière, notre sensibilité reliée à elle, est un but commun qui, porté par des intentions généreuses, nous arrache à la fatigue, nous déplace vers une attention et une délicatesse rendues visibles, à rebours des logiques du titre de l'exposition où le monde ne prendrait que du muscle.

Jean-Charles voit bien comment se sentir vivre dans l'activité même humble qui consiste à frotter des pages de magazines à l'acétone, à documenter ses propres sculptures à l'aide de photocopies pour les ramener vers lui, là où commence la mesure du vide qu'il faut relayer par le travail répétitif et machinal duquel naît d'autres stimulations, des scénarisations que les titres de sculptures jugés trop longs ont générés. Alors l'artiste dirige ses pensées, montre la satisfaction des mains à faire certaines tâches. Les gestes en apparence routiniers de Jean-Charles, les duplications qu'il engage lui apportent de la joie et parfois aussi un plaisir quelque peu masochiste à introduire dans sa propre exposition les manières de faire d'autres artistes composant une généalogie en accord avec son seul désir. Jean-Charles, heureux comme Navel qui, porté par une logique impérieuse qu'il reconnaît et sait vivre, sent "son intelligence lui descendre dans les mains".

MA


Né en 1979, Jean-Charles de Quillacq a étudié à l’École des beaux-arts de Lyon et à la Weißensee Kunsthochschule de Berlin. Il vit à Sussac, Limousin et Zürich, Suisse. Son travail a fait l’objet d’expositions personnelles dont Pros, à Ampersand (Lisbonne, 2023), Ma sis t’aime reproductive, à art3 (Valence, 2021), Ma système reproductive à Bétonsalon (Paris, 2019), La Langue de ma bouche, avec Hedwig Houben, à La Galerie, Centre d’art contemporain de Noisy-le-Sec (2018), Getting a Younger Sister, Thinking To Myself aux Swiss Art Awards, dont il est l’un des lauréats (Bâle, 2017), Je t’embrasse tous et Autofonction toutes deux à la galerie Marcelle Alix (Paris, 2016 et 2020) et “Four Works In A Rectangle”, Rote Fabrik (Zürich, 2012). Il est actuellement pensionnaire à la Villa Médicis à Rome. 


Remerciements chaleureux à : Clotilde Beautru, Chloé Poulain, Louise Toth et Josselin Vidalenc.
Jean-Charles de Quillacq remercie Martin Laborde, Alice Dusapin et Ampersand, Baptiste Pinteaux, Valentin Merz, Romina Shama et le Musée Transitoire.